L’être humain ne peut pas survivre sans la nature. Elle est pour lui une source d’eau, de nourriture. Elle lui fournit des abris, des matériaux de construction et de l’énergie. Elle procure également des médicaments, des vêtements et des outils. Mais la nature est également une source de connaissance, de repos et d’apaisement. L’Homme va donc en permanence devoir prélever des éléments de la nature pour simplement survivre sur Terre. Mais comme nous l’avons déjà dit, cette nature appartient à Dieu. Et donc pour user de cette nature, l’être humain devra suivre les règles que Dieu a édictées :
Ne prendre que le strict nécessaire.
Dans un précédent article, nous avons vu que d’un point de vue morale, il était préférable à l’humain de se contenter de peu et que finalement, cette sobriété allait être la source du bonheur. Nous avons également vu que le gaspillage n’était pas permis pour un croyant et la religion musulmane a légiféré et a apporté des lois claires sur ce sujet. Le texte suivant va nous montrer que la définition du gaspillage dans la conception musulmane est très étendue :
Le Prophète (la paix soit sur lui) a dit : « Toute personne qui tue ne serait-ce qu’un moineau devra rendre des comptes à Dieu s’il ne l’a pas fait dans son droit. – Et quel est son droit ? » demanda-t-on. – C’est que tu en consommes la chair »1
La seule raison valable ici de tuer un oiseau est la nécessité de nous nourrir. Par ce texte, le Prophète nous dit bien qu’il nous est permis d’user de la nature uniquement pour un besoin fondamental comme se nourrir, de vêtir, se chauffer, se loger, se soigner, …
Ainsi, tous ces « sports » ou loisirs qui consistent à tuer des êtres vivants comme la corrida, la chasse pour le loisir, les combats d’animaux nous questionnent.
Et nous pourrions aussi réfléchir aux courses automobiles qui perturbent énormément les écosystèmes : des circuits qui nécessitent de détruire des espaces naturels et qui imperméabilisent les sols et des véhicules qui génèrent des pollutions chimiques et sonores, tout cela juste pour le loisir. Est-on vraiment dans notre rôle de responsable des écosystèmes en acceptant cela ?
Le partage des ressources
Nous trouvons un récit dans le Coran qui nous parle d’un peuple, les Thamūd, un peuple ancien de l’Arabie orientale et centrale.
Le Coran nous rapporte que Dieu a envoyé à ce peuple un prophète qui s’appelait Salih pour les appeler à n’adorer que Dieu et à Lui obéir. Son peuple lui demanda un miracle pour prouver sa véracité. Dieu fit alors sortir de la montagne une chamelle géante avec l’ordre de prendre soin d’elle en lui laissant l’accès à l’eau un jour sur deux. Mais les Thamūd n’eurent pas cette patience et peu de temps après, ils la tuèrent. Et la conséquence immédiate fut le regret :
« Les Thamūd traitèrent de menteurs les Messagers.
Quand Salah, leur frère leur dit : « Ne craindrez-vous pas Allah ? »
Je suis pour vous un messager digne de confiance. Craignez Allah donc et obéissez-moi.
Je ne vous demande pas de salaire pour cela, mon salaire n’incombe qu’au Seigneur de l’univers.
Vous laissera-t-on en sécurité dans votre présente condition ?
Au milieu de jardins, de sources, de cultures et de palmiers aux fruits digestes ?
Creusez-vous habilement des maisons dans les montagnes ?
Craignez Allah donc et obéissez-moi.
N’obéissez pas à l’ordre des outranciers, qui sèment le désordre sur la terre et n’améliorent rien.
Ils dirent : « Tu n’es qu’un ensorcelé.
Tu n’es qu’un homme comme nous. Apporte donc un prodige, si tu es du nombre des véridiques. »
Il dit : « Voici une chamelle. A elle de boire un jour convenu, et à vous de boire un jour.
Et ne lui infligez aucun mal, sinon le châtiment d’un jour terrible vous saisira.
Mais ils la tuèrent. Et ils eurent à regretter !
Le châtiment, en effet, les saisit. Voilà bien là un prodige. Cependant, la plupart d’entre eux ne croient pas.
Et ton Seigneur, c’est en vérité Lui le Tout-Puissant, le Très Miséricordieux. »2
Nous tirons de ce récit un enseignement fondamental dans notre gestion de la Terre : c’est le partage des ressources. Quel est notre habitude aujourd’hui ? Nous construisons des villes en détruisant les ressources de tous ceux qui habitaient cette zone avant nous. Lorsque nous coupons la forêt pour cultiver du soja ou du maïs, nous détruisons l’habitat et les sources de nourriture de toute la faune.
Le Coran nous enseigne ici que nous devons apprendre à partager les ressources avec les autres créatures sur terre. Cela implique déjà de partager notre habitat. C’est réfléchir à la façon de s’installer sur la terre et de construire nos villes sans nuire aux habitats des autres espèces. Cela implique également de partager les ressources en eau, en nourriture, et ceci de manière égale. De manière concrète, lorsque nous installons un système de production de nourriture, nous pourrions installer une moitié des cultures pour nourrir l’homme et une autre moitié pour nourrir les oiseaux, les abeilles, la vie du sol, …
Quel fut le résultat de ce crime commis par les Thamūd ? Ils la tuèrent et eurent à le regretter. Le message est clair : nous avons la permission d’user de la terre mais avec une contrepartie : partager les ressources avec les autres habitants de la terre. Et si nous négligeons ces contreparties, ce qui est devenu la norme, nous aurons à le regretter amèrement.
Prononcer la formule « Bismillah » – Au nom d’Allah.
Cette règle est très connue concernant l’abatage rituel. Avant d’égorger l’animal, il faut prononcer cette parole. Dans le cas contraire, il ne sera pas possible de consommer de cette viande. Quel est le sens de cette parole ? C’est de nous rappeler que cet animal n’est pas à nous et finalement, de demander l’autorisation à Son propriétaire, le Seigneur de l’univers, pour le prendre. Tuer un animal sans cette parole reviendrait à « voler » à son propriétaire ce qui ne nous appartient pas.
Cette règle peut se généraliser et demande au croyant de se rappeler à chaque fois qu’il veut user de cette nature de demander l’autorisation à son propriétaire. Ceci permet à l’Homme d’être constamment conscient que la nature est à Dieu et qu’il faut être très vigilant à ne pas y faire des choses contraires à Sa volonté. Cette parole qui n’est rien d’autre qu’un acte d’adoration quotidien ne peut que nous aider à développer une relation beaucoup plus saine vis-à-vis de la nature.
Quelques notions sur l’abattage rituel
La mise à mort des animaux pour la consommation est très règlementée dans la jurisprudence musulmane. Il est impossible ici de donnée une vision exhaustive mais nous pouvons cependant en donner les grands contours.
La première règle a déjà été citée et consiste à demander l’autorisation à Dieu pour prendre la vie de cet animal à travers la formule « Bismillah ». Ceci n’est pas anodin, car cela nous rappelle à chaque fois que cet animal ne nous appartient pas et que nous pouvons le tuer et le consommer uniquement par la permission de Dieu. Ce rappel va nous également nous engager à suivre les règles que Dieu a fixées pour cette mise à mort.
Il faut tout d’abord isoler l’animal afin que les autres bêtes du troupeau ne voient pas cela. Puis il est recommandé de bien aiguiser la lame du couteau dans le but de faire diminuer au maximum la souffrance de l’animal. Ensuite, il faudra cacher la lame afin que l’animal ne la voit pas. De manière plus générale, ces recommandations ont pour objectif de nous appeler à la bienveillance et à la douceur.
Une fois l’animal égorgé, il va falloir attendre sa mort complète avant de commencer le dépeçage. Enfin, l’endroit devra être nettoyé du sang avant de faire entrer un nouvel animal afin de ne pas le stresser ou lui faire peur.
Si l’on s’en tient à une pratique rigoureuse de ce processus d’élevage et d’abattage, on comprend bien qu’il nous sera impossible de tuer 10 000 poulets à l’heure comme c’est le cas aujourd’hui sur les chaînes des abattoirs. On voit bien qu’au cœur cette législation se trouve la nécessité de ne consommer de la viande que de manière exceptionnelle, ceci afin de respecter totalement l’animal de sa naissance à sa mort.
D’ailleurs, beaucoup de nutritionnistes affirment aujourd’hui que cette consommation excessive de protéine animale n’est pas compatible avec nos modes de vie sédentaires et qu’elle pourrait être à l’origine de nombreuses maladies comme le cancer du côlon. Nous avons parlé dans un article précédent des impacts négatifs de cette surconsommation de viande à l’échelle de la planète (65% de la déforestation en Amazonie est liée à l’élevage). On pourrait ajouter que selon le fond pour l’alimentation et l’agriculture des Nations Unies, un kilogramme de bœuf nécessite 15 000 L d’eau. C’est aussi presque 15% de nos émissions de gaz à effet de serre, donc plus que les transports. Si donc les musulmans s’orientent vers un vrai respect des règles islamique concernant l’abattage des animaux, nous verrons une amélioration à l’échelle mondiale de l’état de la planète et de notre santé.
En étudiant la vie du Prophète, nous voyons que la viande n’était pas un met journalier mais plutôt réservée à de grands moments, et notamment lors des invitations, ou alors les jours de fêtes.
Faut-il pour autant devenir végétarien voire végan ? Tout d’abord, je pense qu’il faut clarifier ce dont nous parlons. Certaines personnes sont végan car elles estiment que l’être humain ne devrait tout simplement pas élever des animaux. La législation islamique ne va pas dans ce sens. Si l’on suit l’exemple du Prophète, il a mangé de la viande, bu du lait, mangé du miel, nous montrant ainsi que tout ceci était licite est bénéfique pour notre organisme.
Mais une partie des végans le sont plutôt parce que les animaux souffrent du fait des conditions d’élevage. Aymeric Caron, vegan convaincu, n’est pas opposé à la consommation de protéines animales : « La production commerciale de lait, quelle que soit la taille de l’exploitation, entraîne donc souffrance et mort. Mais imaginons une petite ferme où aucun animal n’est envoyé à la boucherie. Les animaux se reproduisent naturellement, et chacun meurt de sa belle mort. Qu’est-ce qui nous empêche dans ce cas de prélever un peu de lait pour notre consommation personnelle ? La vache n’en souffrira pas, ni son veau. Cette configuration relève sans doute de l’utopie dans notre monde actuel, mais elle n’est pas irréaliste dans un futur proche. (…) En ce qui concerne les œufs, c’est une autre histoire. Il existe à la campagne de petits élevages de poules en liberté, dont aucune n’est maltraitée ou tuée lorsqu’elle devient moins productive. Pourquoi ne pas récupérer leurs œufs ? Aucune souffrance engendrée, les poules sont nourries et protégées des prédateurs en retour, et les œufs sont une source de protéines pour l’homme. En tout cas, cela me semble cohérent. »3
C’est un principe qui devrait être accepté par tout musulman : refuser de consommer une viande ou un produit animalier issu d’un processus ou l’animal n’est pas respecté. Et on peut légitimement se poser la question sur l’attitude qu’aurait eu le Prophète s’il avait vécu à notre époque. Nous avons vu des articles précédents qu’il réagissait à chaque fois qu’un élément de la nature souffrait.
Aurait-il accepté de manger la viande d’un poulet qui pendant 35 jours vit dans une cage d’un mètre carré avec 27 de ses congénères à tel point qu’il ne peut pas bouger ? Un poulet qui est gavé de nourriture au point où il pèse à 35 jours ce qu’il devrait peser à 4 mois ? Un poulet bourré d’antibiotiques pour le garder en vie assez longtemps pour être ensuite ramassé à la pelleteuse, entassé dans des camions, accroché sur les rails de l’abattoir et découpé au rythme de 10 000 par heure par une scie circulaire qui tantôt tranche le cou, mais parfois l’abdomen ou la moitié du crâne ?
On pourrait me rétorquer que cela relève presque aujourd’hui de l’impossible. La viande bio est encore rare et chère. Alors trouver du lait qui aurait été prélevé sans arracher le petit à sa mère … Mais il faut militer dans ce sens, convaincre nos producteurs et nos bouchers que c’est cela que nous voulons et que nous sommes prêts à en payer le prix, et faire en sorte que ces filières respectueuses des animaux se développent.
1 Rapporté par an-Nassai.
2 Coran, sourate 26, versets 141 à 159
3 Aymeric Caron, dans une interview de LATERREDABORD, 28 avril 2016.
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